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22 février 2015 7 22 /02 /février /2015 18:48

Caisse des dépôts : après le scandale des bonus, celui des stock-options

PAR LAURENT MAUDUIT

ARTICLE PUBLIÉ LE DIMANCHE 22 FÉVRIER 2015

À la Caisse des dépôts, les scandales s'enchaînent et se ressemblent. Alors que celui des actions gratuites de CDC Entreprises vient tout juste d'éclater, une autre filiale va être sur la sellette : violant le plafonnement des rémunérations publiques, le PDG d'Icade, mis sur la touche cette semaine, et sa directrice financière ont exercé des stock-options pour plus 2,1 millions d’euros en 2014.

Le nouveau directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), Pierre-René Lemas, n’en a décidément pas fini de nettoyer les écuries d’Augias. Lui qui s’est attelé, depuis son entrée en fonction l’été dernier, à remettre de l’ordre dans son immense maison, découvre de semaine en semaine de nouveaux scandales. Et à chaque fois, c’est une nouvelle filiale qui est en cause.

Voici quelques semaines, c’était CDC Entreprises qui était sur la sellette, à cause des sulfureuses actions gratuites que les dirigeants de la société ont décidé de s’auto-attribuer de 2007 à 2012, pour un montant de 8,3 millions d’euros. Et maintenant, c’est Icade, l’une des principales filiales du pôle immobilier de la Caisse, qui va faire parler d’elle : selon nos informations, les deux principaux dirigeants de la société publique, dont l'un vient d'être mis sur la touche, ont exercé en 2014 des stock-options pour un montant total qui dépasse 2,1 millions d’euros.

Au moment où toute la France est conviée à un plan d’austérité sans précédent, avec à la clef le blocage des rémunérations publiques et l’absence de tout coup de pouce en faveur du salaire minimum, quasiment sans discontinuer depuis 2007 — mis à part un geste microscopique en juillet 2012 —, cette gabegie de 8,3 millions d’actions gratuites distribuées à CDC Entreprises et de 2,1 millions d’euros de stock-options exercées à Icade donne de la gestion de la Caisse des dépôts, du temps où elle était dirigée par Augustin de Romanet, de 2007 à 2012, la plus déplorable des images.

Le premier scandale a été raconté par Mediapart voici quelques semaines (lire Les bonus cachés d’une filiale de la Caisse des dépôts). Nous révélions que plus de 7 millions d'euros d'actions gratuites — fait sans précédent dans une société filiale de l’État à 100 % — ont été discrètement distribués entre 2007 et 2012 au sein de CDC Entreprises, filiale de la Caisse des dépôts, qui depuis a été absorbée par la Banque publique d’investissement (BPI). Ce système de rémunération a été mis au point par l'ancien patron de la société, Jérôme Gallot, qui est… magistrat financier à la Cour des comptes.

Depuis, dans son rapport annuel, cette même Cour des comptes a confirmé la gravité des informations que nous avons publiées et a même porté à 8,3 millions d’euros l’évaluation du total des actions gratuites distribuées : on peut télécharger ici les observations de la juridiction financière. Le procureur général près la Cour des comptes a même été saisi de l’affaire pour étudier les suites qu’il conviendrait d'y donner et décider, le cas échéant, si les principaux bénéficiaires de ces actions gratuites ne doivent pas être renvoyés devant la Cour de discipline budgétaire. La réflexion concerne également l’ancien directeur général de la Caisse des dépôts, Augustin de Romanet, l’actuel patron d’Aéroports de Paris, qui a donné son accord à ces actions gratuites.

Cette affaire n’a toujours pas fini de faire des vagues qu’une autre va éclater. Celle-ci concerne Icade, qui, dans le passé, a déjà très souvent défrayé la chronique. Au cours de ces derniers jours, Icade a traversé des temps tourmentés. Pour certaines raisons qui sont désormais officielles, mais aussi pour d’autres, qui ne le sont pas encore. Ce qui est connu : le patron de la Caisse des dépôts a décidé de ne pas procéder au renouvellement du patron d’Icade, Serge Grzybowski. Cela s’est fait de manière feutrée. Mardi 17 février, la société Icade a publié un communiqué elliptique affirmant seulement : « Serge Grzybowski a (…) estimé que les conditions lui permettant de prétendre au renouvellement de son mandat afin de mettre en oeuvre la stratégie de la société pour les années à venir n'étaient plus réunies. »

En réalité, les choses peuvent être dites de manière plus abrupte : entre Serge Grzybowski et Pierre-René Lemas, ancien secrétaire général de l'Elysée, l désaccord était total sur la stratégie à suivre pour Icade dans les années à venir. PDG d’Icade depuis novembre 2007, soit un an après l’introduction en Bourse de la filiale de la Caisse des dépôts, Serge Grzybowski n’a eu de cesse de la transformer en une foncière privée hautement spéculative, lorgnant les plus-values rapides ; et donc n'a eu de cesse de tourner le dos aux missions d’intérêt général, celles découlant par exemple de l’aménagement du Grand Paris.

Sachant qu’il ne serait donc pas renouvelé à la fin de son mandat, Serge Grzybowski a officiellement pris les devants et présenté sa démission, avec effet immédiat. Selon de bonnes sources, il n’est pourtant parti les mains vides mais avec une indemnité, négociée à l’issue d’une transaction. Le montant de cette indemnité serait, toutefois, considérablement inférieur au faramineux « golden parachute » que le PDG d’Icade avait pris soin de soin de faire voter à son profit par son conseil d’administration, le 7 avril 2011. À savoir deux ans de salaire fixe ou variable, soit une somme de près de 900 000 euros. On peut consulter ci-dessous les clauses de ce « golden parachute » — qui n'entrera donc pas en vigueur :

 

La bonne fortune de Nathalie Palladitcheff

Introduite en Bourse en 2006, la société Icade a, de fait, été happée au cours des années suivantes par les logiques de marché. Et sous la houlette de son PDG, Serge Grzybowski, et de la directrice financière qu’il a aussitôt appelée à ses côtés, Nathalie Palladitcheff, la société a copié toutes les moeurs financières les plus détestables des groupes du CAC 40, qui eux-mêmes ont pris pour modèle les firmes anglo-saxonnes. En particulier, Serge Grzybowski a mis en oeuvre et développé au sein d’Icade des modes de rémunération qui n’ont rien à envier aux géants du capitalisme anglosaxon. C’est ainsi, comme on vient de le voir, que Serge Grzybowski s’était donc fait voter, sans que le patron de la Caisse des dépôts de l’époque, Augustin de Romanet, n’y voit rien à y redire, un invraisemblable « golden parachute » le protégeant en cas de désaccord avec son actionnaire. Comment une telle pratique a-t elle pu être entérinée dans une entreprise filiale de la Caisse ? Même si elle était partiellement en Bourse, on peine à le comprendre.

La rémunération de Serge Grzybowski était elle même très atypique. Officiellement, le patron d’Icade s’est certes conformé à la loi quand, au lendemain de l’alternance, il a été prévu par le législateur que la rémunération des PDG des entreprises publiques ne pourraient plus être supérieure à 450 000 euros.

Dépassant ce seuil en 2012, le PDG d’Icade a donc accepté de baisser sa rémunération pour qu’elle atteigne pile ce niveau de 450 000 euros en 2013. Mais il suffit de se reporter au document de référence d’Icade pour 2013, dont le tableau ci-dessous est extrait, pour découvrir que, grâce à des rémunérations annexes, ce patron a largement crevé le plafond légal des 450 000 euros. Pour 2013, il a en effet perçu un total de 584 400 euros, contre 729 200 en 2012.

Mais ce n’est pas tout. En plus de ces rémunérations mirobolantes, Serge Grzybowski et son bras droit, Nathalie Palladitcheff, ont aussi profité de stock options. Filiale de la Caisse des dépôts, en charge de la défense des intérêts publics, Icade a aussi copié ce mode de rémunération dont se sont gobergés de nombreux dirigeants du CAC 40 et dont une bonne partie de la gauche demande l'interdiction pure et simple.

C’est en 2006 que des stock-options ont commencé à être distribuées au sein d’Icade, comme l’a raconté Martine Orange dans cette enquête mise en ligne en avril 2009 : Les offices HLM se mobilisent contre la vente des logements d’Icade. Voici, pour mémoire, ce que révélait ma consoeur :

« Depuis l'introduction en Bourse, ceux-ci se comportent comme s'ils dirigeaient une société privée, sans mission publique et sociale, comme s'ils n'avaient pas de responsabilités de gestion sur des actifs publics. Ils se sont donc fait octroyer des stock-options. Étienne Berthier, l'ancien président, s'est fait ainsi attribuer un total de 120 000 stock options entre 2006 et 2007. En août 2007, il a été contraint à la démission par Augustin de Romanet, nouveau directeur de la Caisse, qui contestait sa gestion. Son successeur, Serge Grzybowski, s'est empressé de reprendre les bonnes habitudes. (…) Il s'est fait accorder, dès janvier 2008, 35 350 options, suivies en août d'une deuxième tranche de 40 000 options. La valeur de ces deux distributions est estimée à 1,5 million d'euros par l'entreprise. Ni l'un ni l'autre ne peuvent encore toucher à leurs options pour l'instant, car le délai de quatre ans de détention, imposé par la loi, n'est pas écoulé. Mais ils sont certains d'en tirer le meilleur profit si tout se passe chez Icade comme ils le pensent. La vente du patrimoine locatif de la société, si elle se réalise dans les conditions espérées, ne manquera pas de faire monter le cours, les investisseurs saluant la cession mais aussi l'avenir ainsi dessiné. »

Les heureux bénéficiaires de ces stock-options on t ils donc pu finalement les exercer ? Dans le rapport annuel d’Icade pour l’année 2013, on apprend que non : « Aucune opération sur titres réalisés en 2013 par les membres des organes de gestion », peut-on lire dans ce document. Mais dans le rapport annuel d’Icade pour 2014, qui devrait être rendu public à l’horizon du mois d’avril 2015, on devrait découvrir, selon nos informations, que l’année écoulée a été beaucoup plus faste pour le PDG de l’entreprise publique et pour sa directrice financière. Selon les chiffres confidentiels que nous avons pu obtenir, il a en effet exercé, le 8 avril 2014, 16 000 options au cours de 66,61 euros, soit une somme totale de 1 065 760 euros. Et le 30 avril suivant, il a exercé de nouveau des options pour un montant total de 532 880 euros. Au total, Serge Grzybowski a donc empoché 1 598 640 euros en stock-options pour l’année 2014.

Selon nos informations, la rémunération fixe et variable du PDG pour l’année écoulée a par ailleurs atteint, en 2014, 456 100 euros, toujours au-dessus du plafond des 450 000 euros autorisés par la loi. Cela signifie donc qu’en 2014, Serge Grzybowski a empoché au total au moins 2 054 740 euros en rémunération et stock-options. Soit plus que beaucoup de patrons du CAC 40. Nathalie Palladitcheff elle aussi a profité de la même bonne fortune. Le 8 avril 2014, elle a exercé des stock-options pour un montant de 532 800 euros.

C’est avec ces pratiques que Pierre-René Lemas a voulu rompre en tournant la page Grzybowski. Il n’est pas vraiment nécessaire de bien connaître le nouveau patron de la Caisse des dépôts pour deviner qu’il n’est pas dans son tempérament ni sa culture d’acclimater ces sulfureuses rémunérations dans l’orbite publique. Mais il n’est pas sûr que tout le monde l’ait compris dans les sommets dirigeants d’Icade. Nommée directrice générale par intérim pour expédier les affaires courantes, Nathalie Palladitcheff, qui a été solidaire de Serge Grzybowski tout au long de ces années de privatisation rampante d’Icade et qui en a tiré pour elle-même de très fructueux dividendes, s’est aussitôt sentie pousser des ailes et a fait acte de candidature pour devenir PDG de la société, comme s'il était concevable qu'après avoir défendu avez zèle la stratégie de foncière privée de Serge Grzybowski, elle s'applique maintenant à mettre en oeuvre la stratégie inverse, celle d'une foncière publique, défendant des logiques de long terme répondant à l'intérêt général.

Au travers de la discrète éviction de Serge Grzybowski, c’est pourtant un autre avenir qui se dessine pour Icade. Sans doute le directeur général de la Caisse des dépôts veut-il remettre la société sur les rails de l’intérêt public…

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