Introduction à la discussion par Conchita Aguilar Membre de la Commission exécutive de la Fédération des services publics Membre du Collectif confédéral du logement
Nous sommes confrontés à une vaste entreprise de déstructuration engagée par le Gouvernement et le Medef, pour casser tous les outils et toutes les résistances potentielles à l’instauration d’une « concurrence libre et non faussée » dans tous les domaines.
Dans cette stratégie, il est évident que les Services Publics constituent un obstacle majeur. D’une part, parce que l’histoire des services publics n’est pas « un long fleuve tranquille ». C’est plutôt le résultat d’une confrontation entre des forces économiques et l’aspiration des populations, imposées par des luttes sociales, à ce que notre société repose sur des principes d’équité et de solidarité. Principes qui sont, si j’ose dire, contre-productifs dans une société libérale. Mais plus la crise sociale s’approfondit, plus grandit l’exigence des populations à l’égard de leurs services publics. Les tenants du libéralisme, et ceux qui sont disposés à s’en accommoder, se sont appuyés sur cette distorsion pour imposer, peu à peu dans les esprits le critère d’efficacité des services publics, non plus comme recherche permanente et naturelle de leur amélioration, mais comme objectif et fondement de leur existence, en lieu et place de l’équité et de la solidarité.
Les secteurs et services publics fragilisés ne pourront, sous la contrainte de rentabilité financière, exercer leurs missions et répondre efficacement aux besoins des populations et aux exigences du développement économique.
Les Français attachés au service public, tout en souhaitant l’amélioration de la qualité et une meilleure réponse à leurs besoins, doivent participer à la définition de ces véritables choix sociétaux. Le gouvernement organise les coupes budgétaires, donne satisfaction aux marchés financiers et fait fi de ces nouvelles exigences démocratiques.
Quel est le défi ? Nous assistons à une extraordinaire montée de l’exigence de développement de la part des populations, des salariés pour déployer les capacités industrielles et de services dans notre pays et dans le monde. Le service public peut-il y contribuer ? Oui, mais il faut alors l’écarter des critères de la rentabilité financière qui supposent clients sélectionnés selon leurs capacités de paiement, des productions à moindre coût, des investissements de long terme reportés, etc.… Il faut répondre prioritairement aux besoins de l’ensemble de la société, de l’économie et des territoires d’aujourd’hui et de demain.
C’est pourquoi, si les Français apprécient largement l’apport des services publics, ils se positionnent cependant, plus globalement, dans un rapport de consommateur d’un produit dont le service peut évoluer « à la carte » selon les moyens que chacun peut y consacrer, plutôt que comme l’existence d’un droit nécessaire à l’exercice de leur pleine citoyenneté.
L’image des services publics s’est donc largement brouillée au fil du temps. Et ce phénomène est accentué, par une perte réelle d’efficacité liée à une réduction régulière des moyens qui leur sont alloués pour exercer leurs missions. C’est peut être une des explications de la difficulté à créer un rassemblement, d’une puissance et d’une ampleur nécessaire, pour défendre et conforter les services publics dans notre pays.
C’est un des enjeux essentiels du moment, mais l’offensive est rude et manifestement le gouvernement ne compte pas céder d’un pouce sur cet objectif de démantèlement. En témoignent les luttes engagées dans le secteur public telles que la SNCM, le RTM (un mois et ½ de grève), EDF, GDF, la SNCF… Tout aussi dramatique, les reculs en matière de droit et de protections sociales (la retraite, le contrat nouvel embauche, la santé, l’enseignement,…)
La crise du logement, que nous vivons aujourd’hui, est d’une ampleur et d’une profondeur inégalées. Elle est le fruit d’un long processus -d’environ une trentaine d’années- de désengagement régulier et progressif de l’Etat, tendant patiemment et en pleine conscience, à libérer le marché de l’immobilier et à renverser les tendances en faveur de l’initiative privée.
Les dégâts sont visibles : accroissement régulier du nombre de demandeurs de logements et des sans abris ; envolées des prix des loyers et de l’immobilier ; poussées de fièvres dans les zones fortement urbanisées ; flambée du foncier ; stigmatisation des populations pauvres et immigrées.
Malgré cela, et avec un incroyable cynisme, le gouvernement avec la complicité du mouvement Hlm, prend appui sur ces constats pour justifier l’urgence de réformes et l’impérieuse nécessité d’installer les politiques du logement dans une logique de concurrence.
Il n’y aurait pas de place pour les services publics dans une économie de marché ! selon les tenants des privatisations. Au contraire puisqu’ils participent pleinement au développement économique et social. Il n’y a pas d’un côté le marché par nature efficace économiquement et de l’autre, le service public a minima se limitant à réparer les dégâts.
Face à cela, l’idée initiée par la Cgt de la nécessité de la création d’un véritable service public du logement et de l’habitat, seul à même de mettre réellement en œuvre et de garantir le droit au logement partout et pour tous, s’est imposée peu à peu dans le monde des acteurs et des défenseurs du logement.
Nombreux sont ceux qui aujourd’hui se réfèrent à ce concept. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Il reste néanmoins à en préciser les contours et les missions, permettant de mettre réellement en œuvre et garantir le droit au logement, en organisant notamment une juste représentation des collectivités territoriales, des Hlm, des partenaires sociaux, de l’Etat, avec des pouvoirs renforcés pour les locataires et leurs associations, dans les structures nationales et régionales.
Ainsi, pour construire ce service public du logement et de l’habitat, il y a lieu d’abord d’examiner quelles missions et quels objectifs nous voulons lui assigner, pour ensuite aborder la question des structures, des instances, et de leurs nécessaires coopérations à mettre en place pour lui garantir une réelle efficacité. Précisons toutefois, que si nous avons la responsabilité d’imaginer et de construire ensemble ce que doit être un véritable service public du logement, il serait illusoire de croire qu’il puisse exister dans un désert de service public. Il y a donc nécessité que nous inscrivions notre démarche dans une approche plus globale de défense des services publics dont l’existence et leur développement constituent un choix politique majeur de fonctionnement de notre société. ...