C’est une annonce choc. Le ministre délégué au Logement Guillaume Kasbarian a dévoilé jeudi 11 avril dans le journal Les Echos les contours du futur projet de loi visant à augmenter l’offre de biens abordables. Il a notamment annoncé sa volonté de «mettre fin au logement social à vie» et «d'accélérer la file d’attente des logements HLM» en «réinterrogeant la pertinence à occuper un logement social de ceux qui ont largement dépassé les plafonds de revenus». Des propos qui ont choqué Marianne Louis, directrice générale de l’Union sociale pour l'habitat (USH), l'organisation représentative du secteur HLM. Cette dernière explique les raisons de son courroux à Capital.

Le ministre délégué au logement Guillaume Kasbarian a annoncé dans le journal Les Echos vouloir mettre au logement social à vie. Quelle est votre réaction ?

Marianne Louis : On est consterné et déçu. Le logement à vie, ça n'existe pas, contrairement à ce que peut dire le ministre. Les locataires des HLM sont déjà contrôlés, c’est dans la loi. Les organismes qui gèrent les logements sociaux demandent chaque année l’avis d'imposition aux locataires, ce qui permet de calculer un éventuel dépassement du plafond de ressources. Si c’est le cas, un supplément de loyer est appliqué. Cette loi existe depuis quasiment 30 ans.

 

Et si un locataire dépasse de plus de 150% le plafond de ressources pendant deux années consécutives, le bailleur doit lui demander de libérer l’appartement. Les propos du ministre donnent l’impression que le travail n’est pas fait, or la loi est déjà appliquée par les bailleurs, qui sont eux-mêmes contrôlés par une agence. Ça nous contrarie beaucoup.

Guillaume Kasbarian assure que 8% des locataires HLM ne sont plus éligibles à un logement s'ils en demandaient un aujourd'hui. Il demande aussi à ce que les bailleurs puissent mettre fin à leurs baux le cas échéant. Qu’en pensez-vous ?

Je n’ai pas ce chiffre en ma possession, mais s’il est véridique, cela veut dire que le ministre a pour projet de nous demander d’expulser 400 000 familles rapidement leurs logements HLM. Je rappelle qu’un quart des habitations à loyer modéré sont occupées par des retraités. Il va nous demander de les expulser ? Pour les faire aller où ?

A son arrivée au ministère, Guillaume Kasbarian nous parlait d’un choc de l’offre, d’une relance de la construction de logements. Ce discours nous paraissait cohérent. Maintenant, il demande d’expulser des locataires HLM. Mais cela ne va pas créer des logements pour autant ! De plus, le ministre pointait du doigt récemment le manque de diversité dans les logements sociaux. Aujourd'hui, il nous demande d'expulser les ménages qui gagnent un peu plus que les autres. Ce n’est pas cohérent.

Le ministre du Logement a pour objectif «d'accélérer les files d’attentes» des demandes de logements HLM. N’est-il pas dès lors logique de demander aux locataires disposant de ressources qui dépassent les plafonds de revenus de quitter leur logement ?

Il y a environ 2,6 millions de demandeurs de HLM en France, dont 1,8 million de nouveaux candidats à un logement HLM. Si on expulse 400 000 personnes des HLM, ça va réduire un peu la file d’attente, c’est vrai. Mais que vont devenir ces 400 000 ménages ? On va les loger où ? Il n’y a rien à louer dans les agences immobilières. Ces ménages ne vont pas devenir propriétaires puisqu'ils ne peuvent pas accéder au crédit immobilier.

 

Par exemple, on a des mamans qui élèvent seules leurs filles dans les HLM avec un salaire de 2 000 euros par mois. Si une gamine trouve une une alternance qui lui rapporte 900 euros par mois, le ménage va dépasser les plafonds de ressources. Est-ce qu’on doit les expulser pour autant ? C’est complètement absurde. Que vont devenir les pigistes, auto-entrepreneurs ou intérimaires qui se font expulser ? Il ne peuvent même pas passer la porte d’une agence immobilière.