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23 septembre 2019 1 23 /09 /septembre /2019 20:24
Les nouvelles ambitions d’Action Logement inquiètent en haut lieu

L’ex-1 % logement souhaite lever de la dette sur les marchés, mais cela pourrait déstabiliser le modèle de financement du logement social par le livret A, et alourdir la dette publique

Comment financer le logement social en France ? La question se repose lorsque les taux sont bas.
Comment financer le logement social en France ? La question se repose lorsque les taux sont bas. 
© Sipa Press
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Le 10 janvier dernier, l’organisme paritaire Action Logement a annoncé un plan de 9 milliards d’euros pour faciliter l’accès au logement des salariés modestes. Il souhaite en financer la majorité en émettant de la dette sur les marchés.

 
 
 

Le sujet est technique, mais mérite qu’on s’y penche, car il concerne les centaines de milliards d’euros d’épargne réglementée des Français (il s’agit surtout de livrets A), la dette et la dépense publiques, les taxes des entreprises, et le logement. Souvenez-vous. Le 10 janvier dernier, l’organisme paritaire Action Logement, ex-1 % Logement présente un vaste plan d’investissement de 9 milliards d’euros pour le logement des salariés modestes, qui sera financé en majorité avec de la dette levée sur les marchés. Cette ambition louable inquiète aujourd’hui en haut lieu. Pourquoi ?

Il y a deux sources d’inquiétudes. Premièrement, au ministère des Finances, on craint un alourdissement de la dette publique. Action Logement n’est pas considéré comme une administration publique, mais la question se pose depuis plusieurs années de le comptabiliser comme tel. Le groupe est financé à 51 % par une taxe collectée auprès des entreprises (1,8 milliard d’euros chaque année), « un prélèvement assimilable dans les faits à un prélèvement obligatoire, même s’il ne l’est pas juridiquement », explique-t-on à Bercy. Au total, le budget annuel d’Action Logement atteint 3,5 milliards d’euros, le reste venant des remboursements de prêts accordés aux ménages et aux bailleurs sociaux.

. En outre, l’organisme coordonne étroitement ses actions avec le gouvernement, en particulier le ministère du Logement. Dans quelle mesure son intervention pour le compte de l’Etat peut être assimilée à une politique publique ? Pour le ministère des Finances, Action Logement « s’apparente de près à une administration publique » et sa requalification est « clairement un risque ».

La décision revient à l’Insee, en accord avec Eurostat. Les critères sont l’autonomie de décision et le caractère marchand des activités. En cas de requalification, les 3,5 milliards d’euros de dépenses d’Action Logement pourraient grossir la dépense publique. Aujourd’hui, l’organisme n’a pas de dette, mais sa volonté d’endettement pour financer son nouveau plan à 9 milliards pourrait alors gonfler la dette publique déjà au taquet des limites européennes.

La deuxième source d’inquiétudes est plus complexe, mais tout aussi importante. Elle vient cette fois de la Caisse des dépôts. Cette dernière pilote notre système de financement du logement social, hérité de l’après-guerre. En souhaitant se financer non plus auprès de la Caisse mais sur les marchés, et en donnant cet exemple à d’autres bailleurs sociaux, Action Logement remet en cause le modèle.

. En simplifiant les choses, la Caisse utilise l’épargne du livret A pour faire des prêts de longue durée (30 à 70 ans) aux bailleurs sociaux, indexés sur le taux du livret A. Problème : en ce moment, les taux d’intérêt sur les marchés sont très bas, parfois inférieurs à ceux du livret A, et donc de la Caisse. Par conséquent, certains bailleurs sociaux solides, comme Action Logement (énorme structure qui a le premier parc HLM français avec un million de logements sur cinq) peuvent trouver des conditions plus intéressantes sur les marchés qu’auprès de la Caisse, et entendent saisir cette opportunité.

La Caisse des dépôts peut financer avantageusement les bailleurs fragiles, justement parce qu’elle finance aussi ceux qui sont solides

Avec 260 milliards d’euros d’épargne réglementée, la Caisse finance 78 % du logement social en France. On pourrait dire : que sont les quelques milliards d’Action Logement sur les 260 milliards de la Caisse ? Deux réponses : d’abord, Action Logement représente 20 % du logement social en France, ça fait beaucoup de clientèle à perdre pour la Caisse.

Ensuite, le système fonctionne grâce à un principe de diversification des risques, comme en assurance. Si certains bailleurs ne vont plus à la source, cela déstabilise le modèle. Prenons l’exemple de l’assurance automobile : si un assureur se retrouve uniquement avec des mauvais conducteurs, il fait faillite, ou il augmente drastiquement ses prix. Même logique dans le logement social, sauf qu’il s’agit de solidarité et d’égalité entre les territoires. Les bailleurs HLM situés dans les villes dynamiques comme Paris, avec des locataires qui honorent tous leurs loyers, trouveront de meilleures conditions sur les marchés. Mais les bailleurs situés dans les territoires moins peuplés, avec des locataires plus fragiles, continueront de se financer auprès de la Caisse. Eux aussi ont besoin d’argent, notamment pour rénover leur parc.

Or, la Caisse peut financer avantageusement les bailleurs fragiles, justement parce qu’elle finance aussi ceux qui sont solides. Tout le système a été bâti ainsi. Certes, la Caisse peut vivre en faisant un peu moins de prêts, mais l’équilibre de son bilan serait différent, et elle pourrait revoir ses modalités d’intervention.

. Pourquoi ce dilemme intervient-il aujourd’hui ? Car les taux sont bas. Le financement du logement social par le livret A « perd alors toute pertinence, mais il redevient utile dans l’hypothèse d’une hausse des taux, souligne un connaisseur. La question est de savoir s’il faut maintenir un système obsolète aujourd’hui, dans la perspective d’un changement de conjoncture demain ». Autrement dit, « on peut être opportuniste quand tout va bien, aller voir ailleurs, et utiliser la Caisse comme solution de secours, mais du coup cette solution sera moins solide », renchérit un autre proche de l’institution. Et de souligner : « Le système a fait ses preuves, passé les crises financières. Il n’est pas soumis aux cycles immobiliers. La production de HLM ne s’est pas arrêtée en 2009, en 2011, elle a contribué à maintenir en activité le secteur de la construction. C’est l’avantage d’un système qui ne dépend pas de la situation des marchés. Il est très envié par les pays européens pour sa pérennité et sa stabilité. »

Le débat dépasse le secteur du logement car il concerne aussi l’utilisation de la taxe payée par les entreprises à Action Logement. Est-ce l’utiliser au mieux que de monter un deuxième système de financement du logement social ? Emettre de la dette sur les marchés n’est pas gratuit : il faut se doter d’équipes, se faire noter, faire des roadshows… De son côté, la Caisse utilise directement des fonds privés, l’épargne des Français. Et, ironie, elle émet déjà de la dette sur les marchés financiers. Elle propose aussi des prêts à taux fixes à côté de ses prêts indexés sur le livret A. Bref, l’initiative d’Action Logement chamboule tout, mais « ce n’est pas une innovation financière majeure », lâche, amer, un proche de la Caisse.

La remontée des taux d’intérêt n’étant pas pour tout de suite, ces problématiques risquent de se poser encore quelque temps.

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