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30 janvier 2014 4 30 /01 /janvier /2014 22:30
Le ministère du logement entrave les vues de la SNI sur les foyers de l'Adoma

LE MONDE | 30.01.2014 à 12h44 |Par Bertrand Bissuel et Denis Cosnard

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Dans un "village de l'espoir" cogéré par l'Adoma (ex-Sonacotra), à Ivry-sur-Seine en mars 2007.

 

André Yché, le patron de la Société nationale immobilière (SNI), risque d'avoir du mal à mener à bien son grand projet dans le logement social. Depuis des années, ce baron de la Caisse des dépôts tente d'étendre l'empire de la SNI en mettant la main sur les foyers pour travailleurs migrants de la Sonacotra, rebaptisée Adoma en 2007.

Après bien des efforts, il pouvait espérer bientôt toucher au but. Ces dernières semaines, il est discrètement monté à 43 % du capital d'Adoma et a lancé une offensive de charme pour convaincre les pouvoirs publics de lui donner le contrôle de cette société d'économie mixte (SEM), aujourd'hui détenue à 57 % par l'Etat.

Mais le projet se heurte à de sérieuses résistances politiques et syndicales. Autantdire que le rapport de la Cour des comptes sur l'affaire Icade et la polémique sur la nomination du fils du ministre de la défense à la SNI tombent mal. « Cela ne va pas l'aider à obtenir les clés d'Adoma », juge un membre du conseil.

Les foyers Adoma ont été créés en 1957 pour accueillir les travailleurs algériens. Puis la Sonacotra a construit des cités de transit en vue de résorber les bidonvilles – de petites chambres de 9 mètres carrés, parfois moins, avec des sanitaires collectifs. « A l'époque, on imaginait que ces immigrés repartiraient au pays ou seraient rejoints par leurs familles », explique Bruno Arbouet, le directeur général. En fait, ils sont restés et ont vieilli.


 LA CRAINTE D'UN BOURBIER FINANCIER

A présent, les foyers d'Adoma accueillent environ 25 000 de ces « chibanis », auxquels se sont ajoutées peu à peu d'autres populations à la recherche d'un toit : travailleurs pauvres, demandeurs d'asile… La SEM gère aussi des équipements pour les gens du voyage et répond aux urgences, comme en 2012, lorsqu'il a fallurapatrier les interprètes afghans de l'armée française.

Adoma, ce maillon entre la rue et le logement social, intéresse au plus haut point la Société nationale immobilière et son actionnaire, la Caisse des dépôts. Avecses 275 000 logements, la SNI est déjà le premier bailleur de France. Intégrer les 75 000 chambres d'Adoma « permettrait de couvrir toutes les phases du parcours résidentiel, de l'hébergement d'urgence jusqu'au logement des classes moyennes », explique un dirigeant de la Caisse.

En outre, le patrimoine de la société recèle de possibles plus-values. Certains bâtiments ont été construits il y a des décennies dans des quartiers dont l'embourgeoisement a fait monter la cote. Cela permet d'obtenir un bon prix en cas de cession.

Il y a quelques années, Adoma était dans une situation financière difficile. Sa gestion avait été critiquée par la Cour des comptes et par la Mission interministérielle d'inspection du logement social. M. Yché a alors tenté d'absorberAdoma. Mais la Caisse des dépôts, son actionnaire, a freiné, craignant un bourbier financier. La SNI s'est donc contentée d'une participation minoritaire, tout en prenant les commandes opérationnelles de l'entreprise.


 40 MILLIONS D'EUROS DE BÉNÉFICE EN 2013

Une nouvelle équipe de direction s'est installée en 2010, sous la houlette de M. Arbouet, et elle a rapidement taillé dans le vif : quelque 400 postes ont été supprimés, les frais généraux (voitures et téléphones de fonction) ont été réduits, les fournisseurs ont été remis en concurrence. Résultat : l'entreprise a sorti la tête de l'eau. En 2013, elle a dégagé un bénéfice net de 40 millions d'euros pour 337 millions de chiffre d'affaires. « Oui, il est possible pour un opérateur public aux missions très sociales d'équilibrer ses comptes », assure M. Arbouet.

Ce retour si rapide à meilleure fortune fait sourire certains : « Les dirigeants d'Adoma n'auraient-ils pas un peu noirci le tableau à leur arrivée en gonflant artificiellement les provisions pour risques ? », persifle le patron d'une grosse SEM immobilière.

Lorsqu'elle a pris les rênes d'Adoma sur le plan opérationnel, la SNI a conclu un pacte avec l'Etat. Il prévoyait qu'elle puisse acquérir la majorité à la mi-2015, sous réserve d'avoir remis Adoma sur les rails et de recueillir l'imprimatur des pouvoirs publics. « Comme le redressement a été plus rapide que prévu, on s'est dit qu'on pouvait avancer les échéances », indique M. Yché.

Depuis plus d'un an, la SNI cherche donc à intégrer Adoma sans plus tarder. En décembre 2013, elle a signé un accord pour acquérir les 10 % détenus par le dernier petit actionnaire, les Caisses d'épargne, moyennant 15 millions d'euros selon les informations du Monde. Elle cherche à présent à monter au-delà de 50 %.


 « PAS DE MEILLEUR ACTIONNAIRE QUE L'ETAT »

Argument choc : Adoma est remis d'aplomb, mais l'appui de la SNI lui permettrait d'aller plus loin. « Une centaine de millions d'euros pourraient être injectés si la SNI monte au capital, appuie Manuel Flam, l'ancien directeur de cabinet de Cécile Duflot au ministère du logement, devenu l'un des adjoints de M. Yché. Compte tenu des autres financements, cela permettrait à Adoma d'investir 800 à 900 millions d'euros en plus, de quoi construire 10 000 logements très sociaux.Dégager un tel montant en pleine crise est inespéré. C'est incroyable de ne passaisir pareille occasion ! »

Le propos séduit certains, notamment à Bercy. « Pour nous, la question de la composition du capital n'est pas centrale »dit-on au ministère de l'intérieur, qui tient surtout à ce que la rénovation des foyers soit accélérée et à ce qu'Adoma accueille davantage de demandeurs d'asile. En revanche, Mme Duflot souhaite clairement que l'Etat reste majoritaire. « La mission de cette société concerne le logement très social, voire très très social, commente un proche collaborateur de la ministre. Il n'y a pas de meilleur actionnaire que l'Etat pour être le garant de l'intérêt général. »

Au sein du personnel d'Adoma, de vives réticences s'expriment aussi face aux appétits de M. Yché. Si la SNI devient majoritaire, « est-ce que nos missions d'utilité sociale seront maintenues ? », s'interroge Nora Merakchi (CFDT). Sonia Pradine (SUD), elle, redoute que la SNI transpose son approche du logement social focalisée sur la « rentabilité ». Les résidents et les salariés risquent d'enfaire les frais, pronostique-t-elle, en soulignant que le climat social dans l'entreprise s'est tendu à la suite du plan social lancé en 2011.


 « IL EST JUSTE PRÉVU DE REDISCUTER »

Ces réserves sont renforcées par les positions de M. Yché sur le secteur : en 2010, il avait publié un livre perçu par de nombreux observateurs comme une ode à la privatisation du monde HLM, ce que réfute le patron de la SNI.

A présent, la situation paraît bloquée. Et tous les nouveaux projets d'Adoma sont gelés, notamment l'accord envisagé avec l'Association pour la formationprofessionnelle des adultes pour gérer son patrimoine immobilier« Ce blocage trouvera sa résolution au plus tard à la mi-2015 », assure M. Yché. L'ancien général d'armée entend bien, alors, faire jouer l'option dont la SNI dispose, selon lui, pour prendre le contrôle de la société.

Au ministère du logement, le discours est tout autre : l'Etat ne s'est jamais engagé à laisser le contrôle d'Adoma à la SNI, insiste un collaborateur de Mme Duflot : « Il est juste prévu de se revoir et de rediscuter. » La partie de bras de fer est loin d'être terminée.

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