L'exécutif avait menacé les partenaires sociaux de légiférer par ordonnance sur la refonte de l'ex-1 % Logement, avant même le début des discussions. Face à une levée de boucliers, il calme le jeu. La ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, a annoncé vendredi soir aux députés que le gouvernement souhaitait « laisser le temps à la concertation ».
L'exécutif avait menacé les partenaires sociaux de passer en force sur la réforme d'Action Logement. Un amendement au projet de la loi de finances pour 2021 devait l'habiliter à légiférer par ordonnance dans ce dossier. Cela avait été confirmé au patronat et aux syndicats jeudi, lors de la première réunion sur l'avenir de l'organisme paritaire avec la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon, celle du Travail, Elisabeth Borne, et le ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt.
Mais vendredi soir, lors de la discussion du projet de loi de finances, Emmanuelle Wargon, auditionnée à l'Assemblée nationale, a finalement indiqué que « le gouvernement ne déposera pas d'amendement » et qu'il compte laisser « le temps à la concertation ».
Il y a quelques mois, l'ex-1 % Logement a fait l'objet d'un rapport sévère de l'Inspection générale des finances (IGF). Depuis, le gouvernement a décidé de le transformer pour, explique-t-il, améliorer l'efficacité de son action et revoir sa gouvernance jugée « complexe, coûteuse et peu transparente ».Les partenaires sociaux ont accepté le principe d'une réforme du collecteur de la Peec ( 1,7 milliard d'euros l'an dernier ), la participation des employeurs à l'effort de construction de logements sociaux et intermédiaires, payée par toutes les entreprises de plus de 50 salariés. Mais jeudi, ils se sont insurgés d'être ainsi mis sous pression, avant même le début des discussions.
L'exécutif a décidé de calmer le jeu dans ce dossier sensible, qui suscite des inquiétudes au sein du monde HLM comme parmi les élus. D'autant que Bercy a aussi décidé de ponctionner 1 milliard sur la trésorerie de l'ex-1 % Logement afin de boucler son budget pour 2021. « Nous restons fermement attachés à l'aboutissement de cette réforme », a cependant insisté Emmanuelle Wargon.
« Je me félicite que les interlocuteurs sociaux aient été entendus », a déclaré aux « Echos » le secrétaire général de Force ouvrière, Yves Veyrier, après ce revirement. Il y voit « le fruit de la lettre adressée au Premier ministre [fin septembre, NDLR] par les cinq confédérations, qui appelaient à donner toute sa place au dialogue social ». « Il y a à faire sur le sujet, a fortiori en période de crise pour orienter plus efficacement les fonds d'Action Logement ».
« C'est une excellente chose », déclare, de son côté, Laurent Berger, le numéro un de la CFDT. Ajoutant que celle-ci « est ouverte à la concertation pour qu'Action Logement soit davantage au service du logement des travailleurs et participe au logement social, mais nous ne voulions pas discuter sous la pression d'une ordonnance qui donnait tous les pouvoirs au gouvernement ».
Le numéro deux du Medef, Patrick Martin, salue, de son côté, le « geste d'apaisement alors que ce dossier s'était engagé sur des bases inutilement polémiques et biaisées ». Il précise que « cela n'enlève rien, au contraire, à la détermination [de l'organisation patronale] d'optimiser encore la performance et la gouvernance d'Action Logement ».
Les discussions vont donc pouvoir reprendre plus sereinement. Pour Emmanuelle Wargon, il s'agit de pas de compromettre l'action de l'organisme, qui contribue au financement de pans entiers de la politique du logement - comme la rénovation des zones urbaines sensibles, la revitalisation du centre des villes moyennes, ou la lutte contre l'habitat indigne. Quant à une réforme de la Peec, qui concentre l'attention du ministère de l'Economie, « il n'y a absolument rien de décidé, nous attendons les discussions avec les partenaires sociaux », a répété à plusieurs reprises Emmanuelle Wargon, alors que la diminution de cette contribution avait été évoquée. Pour elle, l'enjeu est plutôt de s'assurer que cet argent reste entièrement fléché vers le logement, ce qui n'est pas forcément la ligne défendue par Bercy.
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C'est dans ce contexte qu'Action Logement doit en principe se doter, lundi, d'une nouvelle directrice générale. Après plusieurs mois de blocage, le conseil d'administration du groupe doit entériner la nomination de Nadia Bouyer pour succéder à Bruno Arbouet, aux manettes depuis mars 2015. Celle-ci occupait jusqu'à présent les fonctions de directrice générale de Sequens, filiale francilienne d'Action Logement. Passée par la Cour des comptes, elle a aussi été chargée de mission au cabinet de l'ex-Premier ministre François Fillon, et directrice de cabinet de l'ancien secrétaire d'Etat au Logement Benoist Apparu.
Elsa Dicharry et Leila de Comarmond