Quatre-vingt-dix mille demandes de logements sociaux en souffrance et une construction toujours insuffisante dans le Val-de-Marne. Face à ce constat, le préfet Raymond Le Deun a décidé de s'emparer de tous les moyens en son pouvoir pour contraindre les maires récalcitrants. Et après les amendes majorées, la préemption de terrains, il promet de mettre la main sur l'instruction des permis de construire. En clair, les maires seront déchus de leur pouvoir d'accorder tel ou tel permis et tout passera par les services de l'Etat. Une première dans le département, et un dispositif qui reste d'ailleurs peu utilisé en France.
« C'est un des outils prévus par la loi SRU et je suis prêt à m'en saisir, annonce-t-il ce lundi, à l'occasion d'un déjeuner avec la presse. On peut avoir de meilleurs résultats en la matière. »
Une quinzaine de communes sont encore en dessous des 25 % de logements sociaux imposés par la loi de 2000. Dans le lot, il y a celles qui font des efforts, (Le Plessis-Trévise est sorti des villes carencées) celles qui sont contraintes par leur situation géographique (Villeneuve-le-Roi), le manque de foncier (Saint-Mandé), etc. Mais il y a aussi celles qui refusent de faire de la place à du bâti social.
Pour l'heure, Raymond Le Deun l'assure, il n'y a « pas d'ébauche de décision présentée aux élus ». L'heure est encore à l'échange contradictoire, démarré cet été. Certains maires font valoir leurs observations pour défendre leur bilan, au regard des objectifs triennaux fixés, qu'ils soient « quantitatifs et qualitatifs », précise le représentant de l'Etat. Puisqu'il faut au moins 30% de logements destinés aux plus modestes (PLAI) et pas plus de 30% de PLS, ces appartements destinés aux familles aux revenus plus confortables mais qui peinent à trouver dans le privé.
Le verdict va tomber en octobre. Il reviendra au préfet de prendre les éventuels arrêtés de carence, qui s'accompagneront alors de toutes les sanctions possibles. A l'issue du dernier bilan en 2018, 1 3 villes étaient à l'amende, et six avaient vu le montant s'envoler. Saint-Maur-des-Fossés avait ainsi écopé d'une amende majorée de 300%, soit 6,4 M€ à payer par an, – le record du département —, à cause de ses quelque 9% de logements sociaux. En janvier dernier, la ville s'est engagée à redresser la barre pour atteindre 12 % en 2022. Cet effort promis suffira-t-il à échapper à la sanction suprême?
«Une catastrophe», selon la maire d'Ormesson
Ce lundi, le préfet a tu le nom des villes qui pourraient perdre leur pouvoir en matière d'urbanisme. « Mais il y en aura », assène-t-il. Sollicité, le maire LR de Saint-Maur, Sylvain Berrios n'a pas répondu à cette annonce.
Mais la maire LR d'Ormesson, en revanche, y voit là une fausse bonne idée. « Ça ne me fera pas aller plus vite », prévient Marie-Christine Ségui, qui avait récupéré la ville en 2014, avec 1,4% de logements sociaux. Six ans plus tard, le taux a grimpé… d'un point.
« Et vu les lourdeurs administratives des services de l'Etat, je ne vois pas comment ils vont instruire les dossiers, à moins d'embaucher un bataillon », raille l'élue. Non sans s'inquiéter de l'intégration de ces logements à l'existant. « On tiendra compte des questions réglementaires mais pas de l'histoire de nos villes. Cela risque d'être une catastrophe. »