Le Premier ministre Edouard Philippe était attendu ce jeudi après-midi pour prononcer le discours de clôture devant le monde des HLM réuni pour son congrès annuel, porte de Versailles à Paris. Mais la mort de Jacques Chirac est venue bousculer le programme prévu. Le chef du gouvernement a annulé sa venue et c’est le ministre de la Ville et du Logement, Julien Denormandie, qui a lu le discours qu’il avait prévu de prononcer. Auparavant, les congressistes debout avaient fait une minute de silence en l’honneur de l’ancien président de la République. Et adopté plusieurs résolutions réaffirmant les principes fondateurs du mouvement. Ils ont voté à la quasi-unanimité une motion contre la «financiarisation du logement social» alors que des investisseurs institutionnels (banques, sociétés d’assurance, fonds de pensions, sociétés foncières…) font le siège de Bercy pour qu’on leur ouvre la possibilité d’investir dans les HLM pour «percevoir un rendement».

«Motif de fierté»

Cette motion réaffirme par ailleurs que le financement du logement social doit continuer à reposer sur l’épargne populaire : 60% de l’argent déposé par les ménages sur les livrets A et livrets de développement durable est centralisé à la Caisse des dépôts. Cette manne est ensuite prêtée aux HLM à des taux très bas et pour des durées de quarante à cinquante ans, pour que les organismes puissent construire de nouveaux logements, l’argent des loyers servant à rembourser les emprunts. Un système qui fonctionne depuis plus d’un siècle et qui a permis au fur et à mesure des décennies de construire un parc de 4,6 millions de logements sociaux dans lesquels logent «11 millions de nos concitoyens», a souligné à la tribune du congrès Jean-Louis Dumont, le président de l’Union sociale de l’habitat (USH) qui fédère tous les bailleurs sociaux.

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S’adressant au ministre du logement et de la Ville, il a rappelé que les HLM «ont toujours répondu présent lorsque l’Etat a eu besoin d’eux, que ce soit pour reconstruire notre pays [après les deux guerres mondiales, ndlr]», ou pour «accompagner son développement économique» pendant les Trente Glorieuses, en bâtissant massivement des immeubles pour loger les salariés qui affluaient vers grands les bassins d’emploi. Aujourd’hui, «nous plaçons la mission sociale au rang premier de nos obligations […]. Monsieur le ministre, le logement social doit être un motif de fierté pour la France. […] Nous serions une start-up, la France nous brandirait comme un porte-drapeau», a affirmé Jean-Louis Dumont, très approuvé par les applaudissements de la salle. «Comme tous les fleurons, nous attisons les convoitises. Nous avons besoin de l’Etat pour défendre notre modèle.» 

«Des réformes doivent intervenir»

Réponse du ministre du ministre de la Ville et du Logement, au nom du Premier ministre dont il a prononcé le discours : «[Depuis deux ans] j’ai pu mesurer votre attachement au logement social. Le logement social fait partie du patrimoine de notre nation et j’entends être le garant de la préservation du modèle français que beaucoup d’Etats nous envient.» Mais «cela n’empêche pas que des réformes doivent intervenir». Il a notamment cité la question des attributions, de la mobilité au sein du parc social ou encore l’engagement des HLM dans la lutte contre la précarité. Mais pas du tout une réforme de leur financement, à laquelle les HLM sont hostiles.

En février, la mise en place d’une «mission portant sur la diversification des sources de financement du secteur du logement social» a semé des inquiétudes parmi les bailleurs sociaux. La lettre de mission signée par quatre ministres, dont Bruno Le Maire (Economie) et Julien Denormandie, indiquait «que des investisseurs proposent de s’engager fortement dans le logement social». Ce qui reviendrait à totalement dénaturer la mission du logement social, estiment les HLM. Selon Denormandie, la mission qui a récemment remis son rapport (qui n’a pas encore été rendu public) conforte le modèle français de financement du logement social, écartant par là même le risque de sa financiarisation.

Tonino Serafini